Un point sans point sauf sur le i


le misma

l'organisé et l'organique


l'organisé et l'organique sont deux notions conjointes qui s'imposent
lors de la lecture des images engendrées par le misma
ces deux notions, ni ne s'affrontent, ni ne sont à lire dans les mêmes strates d'appartenance
à la configuration des éléments du misma

l'organisé, voire organisationnel que le misma révèle, est indexé à
l'outil informatique, à ses procédures et à ses formats qui eux-mêmes, en amont,
gèrent et classent les diverses données du travail, influant,
incontestablement, sur la manière d'envisager et de concevoir un projet

les mises en forme informent la pensée et ceci n'est pas spécifique à l'informatique

l'organisé qui s'expose, avec le misma, livre une image double de l'archivage,
toujours singulier et directement corrélé aux connaissances, aux compétences
et aux activités qu'il intègre,
image double, ou mieux, image appartenant à deux temps différents,
celui des fichiers et celui des planiscopes

- le temps des fichiers

l'image de l'arborescence des dossiers et documents apparaît comme une mise
à plat objectivée - au sens où elle ne procède que par pure ponction - soit, sans
intermédiaire et peut se lire, alors, comme une image princeps

ainsi, cette image semble, a priori, se situer dans une relation de fidélité parfaite,
de restitution intégrale, pour employer des termes généraux du registre artistique,
ou soit, encore, pour éviter la terminologie du digital (comme capture)
qui ne fait qu'entériner l'acte d'appropriation d'une pratique
extérieure - encore, récemment, au champ de l'art - et ne décrit que par tautologie

la question de l'organisé, que cette image princeps pose, semble se calquer
sur la question centrale, mais générale, de l'outil digital

- le temps des planiscopes

le second temps qui cartographie ces données est, lui, de tout autre ordre

le report, le transfert, l'interprétation des données fabriquent une image
dérivée, planiscopienne, qui se livre, d’emblée, dans son étendue à la maîtrise du
regard, alors même que cette saisie par balayage scopique
et embrassement est assujettie à des effets déformants

la sensation de l'organique se réitère à chaque planiscope
qui ne contredit l'organisé mais, simplement, l'expose
dans des registres d’approche et de sensibilité différents

l'effet organique produit emprunte une forme probante - puisque l’organique
est assimilé intellectuellement, selon l'usage culturel, à un dispositif cohérent –
dont la réception ouvre à des imaginaires éloignés
de ceux de la première édition (Arboflash)

le misma interroge, donc, de toute évidence, la notion d'analogie, telle
qu'elle se présente de manière inépuisable au cœur de toute production
artistique, sous des aspects renouvelés

face aux planiscopes et à ses figures sous-jacentes, un sentiment de doute naît,
l'intuition de perspectives fallacieuses et d'anamorphoses se dessine,
l’esprit du leurre s’insinue, car, en effet

qu'est-il donné à voir

qu'y a-t-il à voir

que voit-on,
et selon quels points de vue

l'opération de report qui débouche sur une conversion des données en signes
crée des images ambivalentes et biaisées

ce qui se condense et se développe, tout à la fois,
dans un planiscope unpointzéropointroisien,
est la question de la relation que l'on entretient non seulement avec le savoir,
mais avec les représentations du savoir

le planiscope travaille en nous, bien sûr, l'étrange envie du voir
ce qui habituellement se refuse,
ce qui préside à tout acte de création, soit,
la nature même de la pensée en mouvement, de ses occurrences
et de leurs relations, aléas et orientations successives

le planiscope, de par les configurations qu'il soumet à la vue,
nous invite à pénétrer dans ce qui s'apparenterait aux méandres de la pensée,
pensée de l'Autre, territoire inconnu qui semble se déployer soudain devant
nous

les courbes, étirements, bifurcations et autres plasticités spécifiques aux
planiscopes semblent nous mettre face à l'évidence que ce qui se met en scène là,
devant nous, à notre portée, renvoie aux cheminements même empruntés par le
sens lors de sa constitution, de son effectuation, puis de son enregistrement

qui plus est, ce territoire s'offrant à notre regard dans toutes ses saillances et tous ses replis,
s'expose, et, de fait, devient praticable

les planiscopes apparaissent comme des révélateurs de territoires vierges,
puisque jusque-là inaccessibles,
sur lesquels l'imaginaire de chaque regardeur peut se projeter,
la dimension de déchiffrement qu'ils proposent peut, alors, s'apparenter à celle de défrichement,
donnant l'illusion au regardeur d'endosser le rôle héroïque et terriblement romantique
de premier explorateur de la contrée de la pensée artistique contemporaine

chaque planiscope construit une figure complexe dont la valeur est relative,
puisque liée au protocole qui la fonde, mais est, par contre,
éminemment comparative

il peut, dès lors, être reconnu comme opératoire et, donc être décrit comme
un outil de perception

mais le planiscope, comme outil de perception, ne saurait relever exclusivement de la
classification générale des outils d'optique et nécessite, probablement,
l'ouverture d'un nouvel index


le misma

fraction et effraction


la lecture des configurations des planiscopes, bien que toutes différentes, induit
des similitudes avec des formes répertoriées comme appartenant à l'organique,
nous l’avons dit, mais aussi avec des formes évoquant des traces de vie, de mouvements,
de flux, comme des dépôts, des alluvions, des sédimentations,
des phénomènes de stratification

ce qui se met à jour avec les planiscopes,
ne fait-il pas penser à certaines images scientifiques qui - hors du regard codé et
savant qu’elles requièrent - semblent dynamiter les repères et le cadre référentiel des dimensions,
en jetant des ponts formels inopinés très suggestifs entre l’infiniment grand et l’infiniment petit,
ouvrant ainsi les yeux du profane
à la rêverie d’une harmonie magistrale, mais secrète, au sein de notre univers

grâce aux outils des nouvelles technologies,
les seuils de la matière, si résistants pendant des siècles, ont été franchis
et les images enregistrées bien qu’appartenant à des règnes disparates
semblent avoir été rabattues dans le même plan de représentation

l'accessibilité est désormais en progression territoriale constante et
l'effraction est un procédé généralisé

dans sa vitesse actuelle de développement, l'accessibilité est devenue une notion
vertigineuse,
encline à définir des formes de pouvoir, et se saisit
comme événement sous l'angle du spectaculaire

toute frontière abolie est le résultat d'un progrès technologique
toute frontière franchie est synonyme d'images inédites
et toute image inédite est promesse d'accès à de nouvelles formes de connaissance
les images de Mars captées
et retransmises par deux robots qui se déplacent à sa surface
sont les derniers avatars de ces procédures d’expansion aux enjeux énormes

le rapport entre l'image et le savoir n'est pas exclusif du monde scientifique
il est un rapport général

le motif planiscopien du misma s'incruste dans ce rapport général,
s’immisçant au cœur des articulations des champs qui le composent

planiscopien tout autant que planiscopique,
le motif engendré trouve des filiations, non seulement,
dans l'Histoire du genre - à l’origine pictural - du paysage,
mais, également, dans celle du genre du portrait

le misma suit en filigrane les liens ténus
entre l'Art - la représentation comme fraction de la connaissance –
et la Connaissance - la connaissance comme effraction du visible –
héritage en ligne directe des peintures de vanités

Marie-José Muller-Llorca
(texte en extension / état au 06/05/04)